Je ne peux pas prendre le risque de la fâcher… car j’ai besoin d’elle.
Cette phrase, c’est Amélie, 39 ans, qui la prononce lors d’une consultation individuelle alors qu’elle évoque les petites phrases humiliantes que sa mère lui adresse régulièrement. Mère de 2 enfants, et séparée de leur père qui n’en a la garde qu’un week-end sur deux et durant les vacances scolaires, elle dépend de sa mère qui lui garde ses enfants le mercredi.
C’est aussi Anouk, âgée de 55 ans, dont les revenus professionnels sont insuffisants pour lui permettre de payer toutes ses factures, qui a besoin de l’argent que sa mère lui verse tous les mois. Or, celle-ci aime souligner la dépendance de sa fille en public et adopte des comportements dévalorisants à son égard et infantilisants.
Si j’essaie de réagir, elle pique des crises de colère violentes… or, j’ai besoin de son argent.
Clothilde, de son côté, a développé une maladie invalidante à l’âge de 35 ans qui la rend dépendante de sa famille pour ses courses, le ménage de sa maison, et l’ensemble de ses déplacements à l’extérieur. Or, ses sœurs ont pris l’habitude de régenter une grande partie de sa vie, lui faisant régulièrement la morale et lui interdisant certains achats comme on le ferait avec une petite fille de 5 ans. Elle peine à exprimer la moindre révolte ou colère. Elle aimerait secrètement récupérer un peu d’espace de liberté sans avoir à affronter ses sœurs, sans créer de conflits, car elle les redoute.
Je suis obligée de leur obéir parce que je les aime et qu’elles se sacrifient pour moi. De plus, j’ai besoin d’elles chaque jour…
Nadia, 47 ans, de son côté souffre de l’attitude dictatoriale de sa mère, qui a perdu son mari il y a 3 ans, et lui demande à son frère et à elle, de venir chaque été avec leur famille passer 3 semaines dans la maison familiale. Or, ces vacances sont pénibles car sa mère ne cesse de la rabaisser et de la rabrouer, tout en la culpabilisant lorsqu’elle essaie de prendre un peu de distance, mettant en avant sa solitude et sa détresse dans cette grande maison.
Je voudrais tant pouvoir partir en vacances librement avec mon mari et mes enfants… mais j’ai peur de sa réaction. Je n’ose pas l’affronter…
Une mère qui exerce un pouvoir abusif sur ses enfants
Ce que vivent et décrivent toutes ces femmes, ce sont des relations d’emprises maternelles. Dans chacune de ces situations, les pères sont absents : soit décédés, soit éloignés suite à une séparation, soit soumis et silencieux.
Or, cet effacement du masculin, du paternel, ouvre un espace bien trop grand au maternel sans que des limites structurantes soient posées. Il est tentant alors, pour une mère qui a besoin de sentir puissante en exerçant du pouvoir sur ses enfants et sur son mari, d’occuper tout cet espace d’une façon abusive sans laisser ses enfants grandir et s’autonomiser.
Face à un père absent, qui n’a pas la force de s’opposer à sa femme, les enfants ont appris eux aussi à se soumettre et à redouter souvent la colère, les remarques dévalorisantes ou culpabilisantes de leur mère lorsqu’ils ne se conforment pas à ses attentes.
Or, les ressorts de ce type de relation d’emprise sont toujours les mêmes : dévaloriser l’autre, pour lui faire perdre confiance en lui, le culpabiliser et le décrire comme quelqu’un d’égocentrique, de mauvais ou d’infantile lorsqu’il essaie de s’autonomiser, pour saper l’assise intérieure qui lui permettrait de se mettre debout et de s’éloigner pour vivre sa vie librement.
Ces mères peuvent sembler terribles, mais elles ont grandi dans un environnement où soit l’on domine l’autre, soit l’on est dominé. Soit l’on est puissant, soit l’on est humilié et soumis. Pour éviter l’humiliation et l’écrasement de soi, elles ont opté pour la domination… Et le cycle de répète de génération en génération.
C’est exactement le même schéma que le fonctionnement patriarcal dénoncé en occident ces dernières décennies, mais du côté maternel.
Rééquilibrer masculin et féminin dans les relations
Ce n’est ni le masculin, ni le féminin qui sont en réalité à la source du problème : mais l’excès de l’un ou de l’autre. Pour que nos relations les uns avec les autres soient harmonieuses, nous avons besoin que les deux coexistent et s’harmonisent mutuellement et en ne se laissant pas écraser par l’autre.
Donc, pour sortir de ces relations abusives, Anouk, Clothilde, Amélie et Nadia auraient eu besoin que leur père intervienne et s’interpose pour poser des limites aux comportements maternels abusifs. Mais cela n’a pu avoir lieu parce que leur père n’avait cette force en lui pour se positionner face à sa femme. C’est ce que décrit très bien Flavie Flament dans son livre autobiographique bouleversant
La Consolation, dans ce passage où quand elle entend son père monter les escaliers le soir pour dire bonne nuit à ses frères, elle espère chaque fois qu’il va venir la voir elle aussi, mais il n’est jamais venu, la laissant être l’objet de sa mère d’une façon terrible.
Ces situations se développent parce qu’il n’y a pas de père pour rappeler la loi : ce qui est autorisé pour celui qui détient le pouvoir et ce qui ne l’est pas.
Or, sans puissance maternelle pour l’équilibrer, un père peut devenir violent et abusif, mais sans puissance paternelle pour l’équilibrer non plus, une mère peut adopter des comportements maltraitants et monstrueux parfois.
Alors, quand les familles sont déstructurées et souffrantes de cette façon, le chemin que l’on a besoin de suivre pour se sauvegarder et se libérer de ces relations toxiques qui nous maintiennent dépendants est de construire en soi des parents intérieurs solides, aimants et protecteurs.
Rien ne changera à l’extérieur, tant que l’on n’aura pas construit en soi ces figures aimantes et protectrices.
Et c’est en développant en elles une figure masculine bienveillante, et ferme, qu’elles pourront se mettre debout face à leur mère et lui dire Non avec sérénité et force.
Une figure qui ressemble souvent pour elles au Roi de Bâtons du jeu Light Seer’s Tarot que je leur présente. Car quand ce père n’existe pas en soi, il est difficile d’entendre sa voix et de s’appuyer dessus pour réussir à s’opposer à cette mère tellement autoritaire qui fait peur à la petite fille en soi.
Mais, il arrive qu’en regardant cette image du Roi de Bâtons, elles puissent commencer à l’entendre parler et que les mots prennent forme en elles.
Non maman, je ne suis pas d’accord… J’ai le droit de… J’ai décidé que…