Oser être soi face à l’autre
Confidences en séance
Ce matin, je lisais un chapitre d’un livre écrit par Irvin Yalom, un thérapeute américain passionnant, dans lequel il aborde les « malhonnêtetés » dont on fait parfois preuve vis-à-vis de soi-même, et des autres. Dans L’Art de la thérapie, il explique comment cette question peut infiltrer les échanges avec ses patients, et comment c’est alors l’occasion de tirer un fil qui peut se révéler très thérapeutique.
La thérapie se révèle ainsi être une forme d’art entre les mains d’Irvin Yalom… Avec chaque patient, à chaque séance, un morceau d’histoire se crée à deux. Le patient se dévoile, se questionne, questionne son thérapeute. Et le thérapeute doit savoir écouter, avec humanité et bienveillance, mais aussi avec perspicacité, et entendre ce que le patient lui dit de lui, au-delà des mots.
Parfois donc, écrit Yalom, il arrive que la personne assise en face de lui lui confie qu’il lui arrive de masquer, ou déformer la vérité dans certaines situations. Le psychanalyste ne manque pas alors l’occasion de lui demander quelles demies vérités ou mensonges partiels elle a pu lui raconter au cours de la thérapie… C’est là l’occasion d’une discussion fructueuse, commente Yalom.
Cela ouvre bien entendu une porte sur une autre dimension dans la relation que le thérapeute entretient avec la personne qui le consulte. Cela permet ainsi d’échanger sur la relation qu’ils entretiennent : est-ce que le patient peut se montrer honnêtement tel qu’il est au cours des séances, ou bien ressent-il parfois le besoin de se dissimuler et de donner à voir une autre facette de lui-même, plus “acceptable”, ou moins honteuse ? Y a-t-il des choses de lui, de ses émotions, de sa vie, qu’il ne peut ainsi pas dire ?
Que peut-on vouloir cacher à son thérapeute ? Qu’est-ce qui ne serait pas avouable, ou montrable de soi ? Que pourrait-il en penser ? Quel jugement négatif risquerait-il de porter ?
Voilà la conversation fructueuse à laquelle invite Irvin Yalom dans la sécurité de son cabinet. Une conversation qui invite à laisser tomber ses masques et à oser être soi, dans toute son authenticité et sa vulnérabilité. Et qui amène à faire l’extraordinaire découverte que c’est lorsque l’on est le plus authentique, le plus vulnérable face à l’autre, que l’on se retrouve le plus accepté, aimé, et compris, et que la relation s’en trouvera d’autant plus renforcée et enrichie…
C’est aussi le propos que développe Mark Manson dans son livre L’art subtil de s’en foutre qui s’adresse aux hommes qui cherchent à gagner confiance en eux dans les relations de séduction. Toute la force de séduction d’un homme se déploie lorsqu’il parvient à se montrer authentique sans chercher à dissimuler sa vulnérabilité ni ses failles. Brené Brown en fait également le sujet central de ses recherches en psychologie qu’elle partage dans notamment dans son livre Le pouvoir de la vulnérabilité.
Là se trouve le paradoxe qui échappe encore tant à notre culture occidentale : plus on cherche à se protéger, plus en réalité on s’affaiblit. Ce n’est qu’en apprivoisant ses vulnérabilités que l’on se renforce intérieurement. L’espace protégé de la thérapie est bien sûr le lieu idéal pour oser quitter sa carapace protectrice et prendre le risque de l’authenticité. Mais ce n’est pourtant pas si simple. Même face à son thérapeute on peut avoir besoin de mentir, ou de ne pas tout dire de soi...
Observez vos demi-mensonges
Alors, voici une question que vous pourriez vous poser et confier à votre journal si vous en avez un. Ou partager avec votre thérapeute bien entendu…
Dans quelles situations vous arrive-t-il de ne pas être véritablement honnête avec vous-même ou avec les autres ? Quand avez-vous recourt à de faux prétextes plutôt que de dire ce que vous pensez ou ressentez vraiment ? … Pourquoi ?
Il n’est nullement ici question de vous juger, de vous faire des reproches ou de vous inviter à changer quoi que ce soit. Mais seulement de mettre de la lumière sur vos réactions automatiques de protection.
Que redoutez-vous si vous étiez vous-même… ?
Autrement dit, de quoi avez-vous besoin de vous protéger face au regard des autres, mais aussi face à votre propre regard sur vous-même ?
Prenez le temps de laisser flotter cette question. Laissez vos pensées et souvenirs émerger.
Car le processus de thérapie vous invite à aller à la rencontre de vous-même, et de laisser émerger votre moi authentique véritable, sans crainte d’être jugé, que le regard des autres changent, et sans désamour de votre part. Il s’agit d’apprendre à vous aimer entièrement, tel que vous êtes, et à vous respecter, à accueillir avec bienveillance votre rythme, vos peurs, vos limites, mais aussi vos élans, votre sensibilité, sans vous restreindre à répondre à un cadre préfini par le monde qui vous entoure.
Ainsi, dans votre carnet, vous pouvez songer à une situation précise où vous n’avez pas été honnête, et décrire la raison pour laquelle vous avez préféré dissimuler votre vérité. Quelle situation désagréable cela a-t-il permis d’éviter ?
Si vous prenez un moment pour observer ce que vous ressentez quand vous « mentez » ainsi, avec quelles sensations entrez-vous en contact ? Prenez le temps de les accueillir même si c’est inconfortable, et surtout ne vous jugez pas. Cette partie de vous qui triche cherche à vous protéger et à vous maintenir en sécurité face à quelque chose qu’elle redoute.
N’oubliez pas qu’il ne s’agit nullement ici de pointer du doigt quoi que ce soit, mais de mieux comprendre vos systèmes de défense et de percevoir en quoi ils peuvent contribuer à vous éloigner d’une partie de vous-même et amener dans votre vie une souffrance sur le long terme.
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