Les loyautés inconscientes
Toujours dans notre série d’articles consacrés à la question des autosabotages, et de ce que j’ai appelé le Complexe de la Tortue, c’est-à-dire le fait d’avoir tendance à se replier en sécurité dans sa carapace, de peur de se retrouver exposé, et en pleine lumière, abordons aujourd’hui la problématique des loyautés inconscientes.
Ces loyautés sont à l’œuvre et agissent la plupart du temps à notre insu lorsque l’on s’empêche d’évoluer dans sa vie, que ce soit sur le plan amoureux, professionnel, relationnel, financier, créatif, sportif etc., pour rester loyal aux attentes de quelqu’un.
Tout ceci n’est pas toujours facile à percevoir car cela se joue de façon souterraine et invisible.
Néanmoins, ces mécanismes se retrouvent très fréquemment dans les phénomènes d’autosabotage. Il s’agit d’un fil invisible qui vous attache à quelqu’un.
Pour avancer, il est nécessaire de couper ce lien, mais cela peut être la source de nombreuses angoisses.
- On peut en effet avoir peur de ne pas réussir à se débrouiller sans l’autre, se sentir trop dépendant et sans capacités suffisantes pour avancer seul ;
- Ou on peut également avoir peur de perdre le lien affectif qui nous rattache à l’autre, avoir peur que cette personne qui compte pour nous, mais avec qui nous avons besoin de couper ce lien pour gagner en liberté et en autonomie, ne supporte pas cet éloignement et réagisse mal, en se mettant en colère par exemple, en nous critiquant, en nous rejetant etc.
Couper ce lien de dépendance pour gagner en liberté implique toujours de s’affirmer, et pour cela d’assumer un conflit, que ce soit à l’intérieur de soi (un conflit émotionnel), ou à l’extérieur (un conflit relationnel).
Vous comprenez donc que cela va nécessité de traverser les peurs qui nous retiennent de nous y engager.
Pour mieux comprendre ces enjeux invisibles, je vous propose de les observer au travers de deux personnages de fiction pour qui cet enjeu se pose avec quelqu’un qui compte affectivement beaucoup pour eux : dans un cas, la mère du personnage, dans l’autre, un ami proche qui exerce une autorité sur lui.
La première situation sur laquelle je vous propose de revenir est celle de Senna, le personnage principal de la comédie romantique All I wish, paru sur les écrans en 2018, et la seconde est le personnage de Phileas Fogg, héros de Jules Verne dans Le Tour du monde en 80 jours, tel qu’il est revisité dans la série télévisée diffusée sur France TV en 2021.
Dans les deux situations, vous verrez que les deux héros se retrouvent chacun bien malmenés psychologiquement par une personne qui tient une grande place dans leur vie et qu’ils n’osent contredire, mais que se joue également la peur d’avancer seuls vers leurs désirs.
Couper ce lien, c’est en effet aussi s’engager dans son projet sans filet de sécurité, c’est accepter de prendre un risque.
Une figure maternelle étouffante
Senna, interprété par Sharon Stone, est ainsi une styliste âgée d’une quarantaine d’années au début du film qui va de petit boulot en petit boulot sans oser s’engager dans la carrière à laquelle elle aspire, et qui sabote sa vie aussi bien sur le plan personnel que professionnel.
On découvre rapidement qu’elle entretient avec sa mère une relation assez toxique de laquelle elle ne parvient pas à se libérer. Celle-ci se montre en effet particulièrement intrusive et dénigrante, détruisant systématiquement ses tentatives d’affirmation ainsi que les projets qui pourraient la mener vers une indépendance à son égard.
À plusieurs reprises, les dialogues mettent en scène la façon dont elle rabaisse sa fille à la fois sur le plan de ses relations aux hommes, sur sa gestion financière mais aussi sur son identité de femme adulte, en la traitant tout à tour comme une enfant immature et inconséquente, ou comme une femme aux mœurs légères et peu respectable.
C’est ainsi une façon d’attaquer l’image que Senna peut avoir d’elle-même et de faire en sorte qu’elle reste incapable de construire sa vie et donc indéfiniment dépendante de sa mère.
Senna n’a ainsi pas d’emploi stable – elle perdra rapidement son appartement faute de pouvoir régler le loyer – ni aucune relation amoureuse sérieuse. Elle se déplace d’ailleurs à l’aide d’un scooter et fume des joints comme le ferait une adolescente rebelle et mal dans sa peau.
Prise dans une relation sado-masochiste bien installée depuis toujours, il lui arrive de temps en temps de tenter de s’opposer à sa mère, mais celle-ci réagit immédiatement par une agressivité tranchante qui ramène immédiatement Senna dans une position d’enfant soumise et docile.
À quarante ans passés, Senna serait tout à fait en mesure de prendre la place qui lui revient et de poser des limites à l’emprise que sa mère exerce. Dans certaines scènes on perçoit d’ailleurs qu’elle a un caractère bien affirmé sur lequel elle pourrait s’appuyer pour faire face à sa mère.
Mais ce n’est pas ce qu’il se passe. Senna choisit de se montrer loyale et soumise, et l’on découvrira peu à peu ce que cette loyauté préserve lorsque, au fil de ses transformations personnelles, Senna parviendra à construire une carrière prometteuse et à entamer une relation très sérieuse avec Adam, un avocat très épris d’elle.
Ce que les tarots nous apprennent des autosabotages de Senna
Voyons ici ce que les tarots nous révèlent de cette loyauté inconsciente qui va paralyser Senna durant les quarante premières années de sa vie.
J’ai posé 5 questions aux tarots pour éclairer la situation psychologique dans laquelle se trouve Senna vis-à-vis du lien qui l’unit à sa mère.
- Quelle est la posture de Senna face à sa mère au démarrage du film ? Le Mat
- Que représente sa mère dans cette situation ? XX Le Jugement
- Pourquoi Senna a-t-elle peur de s’affirmer face à sa mère ? XII Le Pendu
- De quelle ressource Senna a-t-elle besoin pour réussir à s’affirmer ? XVI La Maison Dieu
- Quel est le conseil des cartes pour Senna ? XIX Le Soleil
Qu’est-ce que ce tirage nous apprend ? Que pouvons-nous comprendre de ces 5 cartes ?
Une soumission néfaste à une autorité abusive
Au démarrage du film, Senna est en errance, sans repères. Elle semble aller partout et nulle part, et elle ne trouve pas son chemin pour avancer dans sa vie.
Elle fait des mauvais choix et se perd en cours de route. Sa vie est une succession d’impasses et de nouveaux chemins qui n’aboutissent pas. Rien ne se construit de durable et d’épanouissant…
C’est ce que représente ici la figure du Mat dans son versant négatif.
Un personnage sans repères, sans attaches, perdu.
Les échanges qu’elle a avec sa mère créent un déséquilibre entre elles, car celle-ci se montre sévère et critique à son égard, elle av tendance à rabaisser sa fille, à l’infantiliser, et à la culpabiliser pour tout ce qu’elle ne fait pas assez bien.
Senna ne semble, en effet, jamais à la hauteur de ses attentes, et sa mère ne cesse de pointer ses manquements sans jamais la soutenir ni l’encourager.
C’est ce que la carte du Jugement ici met en évidence : une sévérité, un jugement négatif qui écrase les personnages qui se situent au-dessous. Là aussi on est dans le pôle négatif de la carte, sans sa signification inversée.
Le personnage principal domine et émet un jugement négatif et sévère sur ceux du bas qui apparaissent tout petits, écrasés, et implorants sa clémence, ou sa reconnaissance, sans succès.
Et c’est cette situation écrasante sur le plan de l’estime de soi qui empêche Senna de pouvoir s’affirmer face à sa mère, car elle reste ainsi bloquée dans une position infantile dans laquelle elle dépend du regard de sa mère et a besoin de son approbation pour s’autoriser à avancer dans sa vie.
Tout comme le personnage du Pendu, ici, Senna se sent bloquée, comme pieds et poings liés, face à sa mère qui ne cesse de lui renvoyer ses échecs et ses insuffisances.
Elle est prisonnière de ses attentes vis-à-vis de sa mère, de l’approbation qu’elle attend de celle-ci.
Comme sur l’image, quelque chose la ligote, et l’empêche de s’affirmer. Elle n’est pas libre de ses mouvements, de ses choix de vie. Et Le Pendu représente bien sa position de dépendance vis-à-vis de sa mère.
Le Pendu, qui a la tête en bas et les pieds en l’air, peut aussi symboliser le non conformisme, l’originalité, la créativité. Et ce que l’on peut comprendre, c’est que la créativité de Senna est bloquée, retenue en elle, en raison des jugements de sa mère qui perçoit cet aspect de la personnalité de Senna sous un jour négatif.
Cette dernière est en effet très soucieuse des apparences et de l’image qu’elle donne, et elle ne perçoit la personnalité décalée de Senna que comme des travers à corriger.
Elle passe ainsi beaucoup de temps à la sermonner et à lui rappeler à quel point elle n’est pas « conforme » aux attentes de la société.
Si on met côté à côte les deux cartes, et que l’on imagine que le Jugement, qui représente la mère de Senna s’adresse à sa fille, représentée par le Pendu, la situation de blocage et d’impuissance que vit Senna apparaît très clairement.
Elle est entièrement soumise à l’autorité critique de sa mère et n’a pas réussi à s’en libérer à l’adolescence, comme cela devrait être le cas.
Le film nous explique d’ailleurs ce qui s’est passé lorsque Senna a voulu passer du temps avec ses amies, lorsqu’elle était au collège, et la façon dont la réaction de sa mère a bloqué ses désirs d’émancipation.
la mère de Senna
Senna
Si vous voulez en savoir plus, c’est un point que je développe longuement dans mon livre Le Complexe de la Tortue, surmonter ses autosaotages et oser briller.
Ce qui nous intéresse maintenant, c’est évidemment de savoir comment Senna va réussir à reprendre sa liberté pour enfin pouvoir déployer ses talents et réussir sa vie.
De quelles ressources a-t-elle besoin ?
Un choc libérateur
Le film nous montre clairement que c’est un déclic qui va faire basculer Senna du bon côté. Un choc, qui va venir de l’extérieur, à l’image de la foudre qui frappe la Tour dans laquelle le personnage était enfermé.
Mais ici, c’est un choc salvateur, libérateur, qui va pousser le personnage au-dehors. Ce choc va en effet permettre à Senna de dépasser ses peurs, pour enfin oser ouvrir sa première boutique de mode dans laquelle elle va vendre ses créations personnelles.
Ses peurs de vivre sa vie, et le fait d’avoir pour cela à se séparer de sa mère la paralysaient.
La Maison Dieu (La Tour), représente donc ici, à la fois l’enfermement dans lequel Senna était bloquée, mais aussi sa zone de confort. Et elle symbolise parfaitement bien le dilemme qui tiraillait Senna depuis toujours :
- rester à l’abri, en sécurité, mais prisonnière, frustrée, et en-dehors de la vie ;
- ou se libérer, sortir à l’extérieur, mais avoir alors à affronter la colère éventuelle de sa mère, l’exposition au regard des autres, ainsi que la peur de l’échec, et le risque de ne pas être à la hauteur des rêves qu’elle nourrissait secrètement…
Ce dont a besoin Senna, c’est donc d’une secousse, d’un choc assez fort qui va remettre en question tout son équilibre.
Et, en effet, dans le film c’est bien ce qui se produit. Ce qui va pousser Senna à sortir de ses petits boulots plus déprimants et frustrants les uns que les autres, c’est sa dégringolade sociale. Elle va d’abord perdre son appartement, et se retrouver à vivre sur le canapé de Steve et Darla, ses meilleurs amis, jusqu’à ce qu’ils se marient et que sa mère lui propose alors de revenir vivre chez elle.
C’est la perspective humiliante et désastreuse de devoir retourner vivre chez sa mère à 47 ans qui produit un tsunami et la pousse enfin à se lancer.
La Tour représente donc le fait d’être secouée positivement, d’avoir une prise de conscience soudaine des changements nécessaires et radicaux à opérer, mais aussi de ne pas avoir peur de remettre en cause une situation sclérosante pour s’en libérer.
La ressource dont Senna a besoin pour réussir à s’affirmer et à transformer sa vie, c’est d’un choc brutal qui va créer une ouverture, qui va apporter de l’oxygène et de la lumière à la situation fermée, rigide et étouffante de laquelle elle était prisonnière. Et cela ne peut se faire qu’avec une énergie puissante car le blocage est ancien et bien ancré. D’où l’image de la foudre présente sur la carte.
D’ailleurs, si là aussi on positionne les deux cartes côte-à-côte, on comprend que la foudre vient frapper les liens du Pendu pour lui permettre de se libérer.
Il chute alors du haut de sa Tour, mais cette chute va brutalement le faire sortir de sa léthargie et lui donner le courage d’entreprendre ce face à quoi il fuyait jusqu’à maintenant.
Il n’est pas toujours nécessaire, heureusement, que le déclic vienne d’une secousse extérieure aussi brutale, mais dans la situation présente, Senna était bien trop prisonnière de ses peurs et de ses paralysies internes pour pouvoir changer sa situation.
Senna bloquée
la secousse libératrice
Seul, un événement extérieur suffisamment puissant pouvait modifier l’équilibre installé depuis des décennies.
Quel est enfin le conseil que les cartes veulent donner à Senna, et à tous ceux qui se reconnaîtront dans sa situation ?
Faire confiance à son enfant intérieur
Ce qui va totalement modifier le cours de la vie de Senna, c’est le fait d’ouvrir sa boutique, c’est-à-dire de réaliser son rêve le plus profond, et de laisser libre cours à sa créativité.
Elle va en effet créer sa propre ligne de vêtements, et rencontrer alors un succès important. Laisser s’exprimer cette passion qui l’anime depuis toujours va être une grande source d’épanouissement et de libération pour Senna.
C’est le message du Soleil ci-contre, sur lequel on voit un enfant heureux, enthousiaste, libre qui chevauche un cheval blanc. Cet enfant, c’est l’enfant intérieur de Senna qu’elle doit laisser s’exprimer sans l’étouffer comme elle le faisait jusqu’à présent.
Elle doit lui faire confiance et se laisser porter par son énergie qui illumine tout ce qui l’entoure.
Les cartes conseillent donc à Senna d’écouter son enfant intérieur et se laisser guider par ce qui l’enthousiasme et lui apporte de la joie dans la vie. Et c’est bien ce qu’elle va faire en se décidant à ouvrir sa propre boutique après des années d’hésitation.
Cela implique de sortir de son enfermement et d’aller vers la lumière et la liberté avec légèreté et insouciance, sans se préoccuper des conséquences, c’est-à-dire sans se laisser freiner par des peurs qui viendraient de son mental et tenteraient d’éteindre sa flamme intérieure.
D’ailleurs, si l’on positionne le Jugement et le Soleil côte-à-côte, on peut observer sur les deux cartes deux figures d’autorité différentes :
- une figure (le Jugement dans son pôle négatif) qui critique et rabaisse les personnages au-dessous, ce qui a pour effet de les maintenir démunis et dans l’ombre ;
- et une seconde figure d’autorité (le Soleil) qui apporte son rayonnement et sa chaleur à cet enfant qui se nourrit de ses expériences faites en toute liberté, avec la présence rassurante de son parent (le Soleil) en-arrière plan.
le parent critique
le parent soutenant
L’enjeu pour Senna est donc de réussir à remplacer l’image parentale étouffante et critique qu’elle a construit à l’intérieur d’elle et qui la paralyse une fois adulte, par une autre image, plus bienveillante et soutenante, qui va lui permettre d’oser tenter ses expériences, celles qui la rendent joyeuse, vivante et libre.
Si l’on remet les images dans l’ordre, on obtient ce scénario :
le parent critique
l'enfant bloqué, empêché de s'exprimer
la secousse libératrice
l'enfant libre d'exprimer sa créativité et sa joie de vivre
Tant que ce parent intériorisé domine son enfant intérieur, et l’empêche de s’exprimer librement, Senna est prisonnière et ne peut être elle-même ni déployer ses talents.
Seule une secousse, un sursaut, une prise de conscience, une révolte, venant briser ces liens toxiques, et remplacer ce parent critique par un parent valorisant et soutenant, va conduire au déblocage de la situation et à la fin de ses autosabotages.
Libéré, le Pendu va pouvoir devenir l’enfant joyeux et enthousiaste que l’on voit sur la carte du Soleil, qui joue et déploie sa puissance créative.
Les loyautés inconscientes de Senna vis-à-vis de sa mère sont représentées dans ce tirage par la carte du Pendu. Ce sont des liens qui ligotent, qui maintiennent immobile et empêche d’être soi parce que l’on se sent dépendant de quelqu’un d’autre, inférieur ou pas suffisamment compétent, pas capable de réussir, d’être libre ni indépendant, on se sent en échec.
Et les autosabotages sont représentés par la figure du Jugement, qui critique, rabaisse, et nourrit une mauvaise estime de soi qui tire vers le bas.
Le déclic se produit donc lorsque l’on décide de libérer cet enfant intérieur de son enfermement, et de le laisser s’exprimer au grand jour. Lorsqu’on lui fait confiance, et que l’on fait de son épanouissement sa priorité numéro 1, avant son désir de sécurité. Autrement dit, lorsque l’envie de s’épanouir devient plus fort que ses peurs.
On retrouve ces mêmes paralysies et interdits intérieurs chez Phileas Fogg, le héros de Jules Verne, tel qu’il a été revisité dans l’adaptation télévisée du Tour du monde en 80 jours diffusée en 2021 sur France TV.
Je vous propose d’aller observer de la même façon les loyautés inconscientes qui le ligotent, et la façon dont il va réussir à s’en libérer dans ce second article.
___
Un nouveau cycle d’ateliers va débuter le 11 mars 2022
Réservez votre place dès maintenant ici :
