S’affirmer avec conviction : les messages symboliques des contes
Vous connaissez les contes que l’on raconte aux enfants, et vous savez peut-être qu’ils ont une vertu structurante pour leur personnalité qui est en cours de construction.
Les contes reprennent, en effet, de façon symbolique, sous forme d’histoire, les conflits affectifs et les peurs que les enfants vivent dans leur vie quotidienne. Et la trame du conte a un effet thérapeutique en les aidant à trouver le chemin pour en sortir grandi.
Les scénarios des contes leur montre notamment comment les personnages trouvent des solutions aux angoisses qu’ils rencontrent.

Un loup qui se croit tout-puissant
Je vous propose que nous nous penchions ici sur le célèbre conte des 3 petits cochons parce qu’il met en scène la façon dont on peut faire face aux désirs des autres, sans se laisser influencer ni effrayer…
En d’autres termes, ce conte parle d’une affirmation de soi saine, calme et solide.
Le conte met en effet en scène 3 petits cochons qui partent de chez leurs parents pour s’installer et construire leur propre maison.
Les deux premiers aiment s’amuser, un peu à l’image de la cigale dans « La cigale et la fourmi » de Jean de La Fontaine, aussi ils construisent assez rapidement une maison en paille pour l’un et en fagots de bois pour l’autre, et se moquent un peu de leur 3è frère qui passe beaucoup de temps à construire sa maison en brique, un chantier un peu fastidieux.
Il ferait mieux de venir jouer avec eux…
Mais celui-ci ne se laisse pas influencer et continue selon son idée, soucieux de se protéger du loup qui rôde dans les parages.
Un peu plus tard, un loup passe justement par là et aperçoit les petits cochons qui courent s’enfermer dans leur maison. Vous connaissez la suite… il les menace de souffler, souffler, souffler sur la maison s’ils ne sortent pas d’eux-mêmes – menace – qu’il met à exécution, et les maisons s’envolent chacune leur tour, laissant les deux premiers petits cochons à sa merci.
Selon les versions, ceux-ci sont dévorés, ou courent chercher refuge dans la maison en brique de leur frère.
Le loup poursuit la même stratégie à nouveau, seulement la maison en briques résiste. Contrairement aux maisons en paille et en bois, la maison en brique ne cède pas sous son souffle. La rage s’empare alors de lui, et selon les versions du conte, soit il essaie alors de passer par la cheminée, soit il tente de faire sortir le 3è petit cochon en utilisant la ruse : en lui parlant d’un champ de beaux navets ou de pommiers qu’il lui propose d’aller ramasser le lendemain.
Mais l’aîné des petits cochons est trop malin pour se laisser piéger, et il déjoue les tentatives du loup de le dévorer. La toute-puissance du loup se heurte-là aux murs de briques et à la sagesse du cochon.
Apprendre à renoncer au plaisir immédiat pour se construire
Bruno Bettelheim – un psychanalyste qui a écrit un ouvrage dans lesquels il décrypte la symbolique des contes de fées – interprète ainsi le conte comme une mise en scène des étapes que l’enfant a à franchir pour grandir émotionnellement.
Un enfant a en effet à passer de l’état insouciant de l’enfance, où il n’est question que de s’amuser, selon un principe de plaisir immédiat, à une maturité qui prend en compte la réalité et la nécessité de faire certaines tâches contraignantes si l’on veut se sentir en sécurité, serein et fier de ce que l’on accomplit.
Contrairement aux fables qui sont moralisatrices, les contes avertissent des dangers qui guettent l’enfant, et lui montrent la voie à suivre pour se structurer et grandir.
Un « grand méchant loup » représentant les pulsions avides et agressives de l’être humain
La figure du loup dans le conte n’est pas anodine, il est avide de dévorer ces petits cochons appétissants, et prêt à tout pour parvenir à ses fins, y compris user d’intimidation et de manipulation. La fin (faim) justifie les moyens pourrait-on dire.
Il est centré sur ses seuls intérêts et ne songe qu’à utiliser la faiblesse des petits cochons pour les assouvir. C’est bien sûr la loi du plus fort qui règne.
Le loup veut s’emparer des petits cochons en les dévorant, mais symboliquement il peut s’agir aussi d’une envie de s’emparer des bonnes choses qu’ils possèdent et qui suscitent son envie. Pour un enfant en crèche, ce peut être par exemple l’envie irrésistible de s’emparer du jouet du copain juste à côté, sans culpabilité aucune à le lui arracher et à le faire pleurer au passage… Je veux, donc je prends. Voilà ce que traduit le comportement du loup.
Et s’il est bloqué physiquement pour s’imposer (les murs de briques ne cèdent pas), il use de manipulation : « Petit cochon, ne veux-tu pas que l’on aille cueillir ensemble des pommes dans le verger en contre-bas ? »
Il fait appel ici à la gourmandise du petit cochon, ou à son besoin d’amour si l’on imagine que le petit cochon, trompé par les intentions du loup, peut penser que c’est un ami qui lui propose de passer du temps privilégié ensemble.
Aussi le conte informe l’enfant de la façon dont il peut intelligemment se protéger de personnages égocentriques tels que le loup, qui s’imposent par la force ou la malhonnêteté. Il lui rappelle l’importance d’être prévoyant et raisonnable, de ne pas céder à son envie de faire passer le plaisir et l’amusement avant tout.
Une leçon d’affirmation de soi saine et solide
Mais il apprend aussi que quand on a suivi ces principes, et que l’on a fait tout ce que l’on avait de bon à faire pour soi, on est serein et sûr de soi. Et l’on peut donc affronter sans craintes les menaces et le chantage du loup. On ne tremble pas quand il menace de détruire la maison que l’on a construite.
On se sent fort et en sécurité. Et de fait, on l’est.
Il s’agit ici, en filigrane, de l’énergie que l’on parvient ou non à mobiliser pour tenir les bonnes résolutions que l’on s’est fixées. Et le 3è petit cochon est un modèle de sagesse et de volonté dans ce domaine !
Il prend soin de lui, et de sa maison, qu’il construit avec application. Il fait ce qui est nécessaire pour être en sécurité et pour ressentir la satisfaction du devoir accompli.
Une fois que sa maison est terminée, il peut jouer, chanter, et être lucide face aux manœuvres du loup. Il fait donc les bons choix, le moment venu, sans être perturbé par des émotions parasites telles que la culpabilité et la mauvaise estime de soi – tellement lourdes – de ne pas avoir fait ce que l’on savait que l’on « aurait dû » faire par exemple, ou la peur de ne pas réussir à se débrouiller. Il sait qu’il sait faire. Il a réussi à construire sa maison. Il a gagné ce faisant beaucoup de confiance en lui.
Et quand le loup se met en colère quand le petit cochon refuse de sortir, il n’a pas peur de ses menaces. Il peut lui dire non fermement sans trembler. La colère violente du loup ne l’effraie pas. Il est serein. Et il peut anticiper ses réactions en plaçant au bon moment une marmite bouillante dans sa cheminée.
Il est d’ailleurs un pilier rassurant pour ses deux petits frères encore jeunes.
Une question également de territoire
Et vous, vous arrive-t-il de trembler à l’idée de dire non à quelqu’un, ou de le contrarier ? Vous arrive-t-il de redouter la réaction de quelqu’un ?
Si c’est le cas, votre confiance en vous a été fragilisée et vous avez besoin d’apprendre à vous affirmer et à défendre votre point de vue face aux désirs des autres.
Parce qu’il s’agit ici d’une bataille entre les désirs de chacun. Une bataille de territoire. Les petits cochons sont tous les trois bien installés chez eux, et le loup arrive et veut les en déloger.

Les deux plus jeunes ne sont pas assez puissants pour s’opposer à la force toute-puissante du loup, et leur territoire se trouve balayé et réduit à néant en un clin d’œil. Le message que le loup fait passer est le suivant : si je veux m’emparer de ce que tu possèdes, tu ne pourras pas m’en empêcher.
Seul le dernier petit cochon sait défendre calmement et fermement son territoire, et réussit à repousser les attaques « envieuses » du loup. Son message pourrait être : « Je t’ai dit non, c’est non ! »
Ce conte est donc une mine de messages symboliques transmis aux enfants pour apprendre à s’affirmer et à renoncer au seul principe de plaisir pour accepter de tenir compte du principe de réalité pour grandir. Il y a des chose que je n’ai pas envie de faire, mais qui sont bonnes pour moi de faire, et qui me rendront fier, fort et serein.
Des leçons utiles tout au long de la vie, car il n’y a pas qu’à l’âge de 2-3 ans que l’on a à se défendre des envies des frères et sœurs ou des copains de crèche, ni à résister à leur colère quand on leur dit non…
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