Colère, quand tu nous tiens
Le poison des colères ressassées
En cette 5è semaine de confinement, la tentation est grande de se laisser envahir par la colère et de ruminer des pensées négatives.
J’entendais tout à l’heure quelqu’un dans la rue réagir avec sarcasme à l’allocution du président hier soir – qui se réjouissait de la solidarité des français – et rappeler le nombre de personnes qui se sont ruées dans les supermarchés à l’annonce du confinement sans se soucier de leurs voisins…
Une maman d’école me prédisait avant-hier l’immense colère qui allait bientôt gronder en réaction à la gestion de crise discutable du gouvernement qui serait responsable de l’ampleur de l’épidémie dans notre pays…
On peut compter également les critiques qui jaillissent depuis un moment au sujet du port des masques et de leur fabrication…
La liste des critiques et ruminations possibles peut être longue dans cette période tendue pour tous.
Mais gardons-nous de tomber dans ce piège et de céder à la tentation de donner libre cours à ces ruminations.
Pourquoi donc ?
Parce que cette forme de colère est toxique. C’est une rumination qui tourne à vide et cherche à évacuer son trop plein de frustrations et de peurs sur un bouc émissaire facilement trouvé.
Certes, critiquer les autres et les blâmer de la situation, ou de leur réaction, peut nous permettre de soulager les tensions qui grandissent en nous au fil des semaines, des annonces, des contraintes, des insécurités économiques qui apparaissent…
…mais ce n’est pas une bonne chose.
C’est en réalité un poison émotionnel. C’est une tentation dont les effets se révéleront néfastes à long terme.
Tout comme une cigarette, ou un bon verre de vin, qui peuvent apaiser sur le moment, mais qui au final aggravent notre mal-être et notre sentiment d’être dépassé et impuissant, et qui ont parallèlement des effets particulièrement délétères sur la santé si l’on en devient trop dépendant pour se calmer.
Critiquer, une habitude néfaste
Juger, blâmer, désigner un bouc émissaire extérieur, soulage temporairement, mais à long terme c’est une attitude qui nous plonge tous dans davantage de mal-être et de ruminations.
Et surtout qui a le tort de nous porter atteinte les uns aux autres, et de semer la dissension au moment où nous avons besoin de rester unis et mobilisés pour faire face courageusement et dignement à la situation qui n’est pas terminée.
Désigner un coupable extérieur, avec le concours de quelques voisins ou amis regroupés pour l’occasion et ayant le même besoin, est une réaction instinctive qui a pour but de se soulager en identifiant un fautif, et ainsi retrouver une paix et une force intérieures quelques instants…
Tous unis autour de certitude et de condamnations qui donnent une impression de force, de pouvoir.
Mais c’est une illusion… aussitôt la diatribe terminée, chacun va retourner à son quotidien, et les angoisses reviendront. Il faudra alors un nouveau coup de colère pour les faire disparaître.. jusqu’à ce qu’elles reviennent.
Critiquer, juger, blâmer, c’est tentant et ce sont des réactions humaines, mais ce ne sont pas des attitudes justes et emplies de sagesse. Et en réalité c’est extrêmement nocif.
La fuite dans la recherche d’un bouc émissaire
Parce que chacun va désigner son coupable avec sa vision propre de la situation.
Au mieux, la confrontation de ces avis va finir par créer des tensions au niveau local : en famille, entre voisins, entre quartiers… et conduire les esprits à s’échauffer.
Au pire, une majorité va se regrouper autour d’un bouc émissaire désigné et cela va tourner au pugilat national.
Le coupable désigné sera lynché en place publique… Et ensuite ?
Nous aurons obtenu gain de cause, le fautif sera expulsé, banni, nous nous sentirons vainqueurs, puissants et soulagés… Mais la situation réelle n’aura pas changé et nous aurons même perdu quelques semaines, ou quelques mois, et beaucoup d’énergie, à nous battre en interne pour finalement nous retrouver épuisés et démoralisés face à la réalité du quotidien qui réapparaîtra inchangée.
Cette colère est mauvaise conseillère parce que c’est une fuite.
On fuit dans la colère pour éviter de faire face à une situation qui nous angoisse et parce qu’on a un cruel besoin d’agir. C’est tellement difficile de rester immobile et calme face aux peurs qui nous submergent.
C’est difficile de se poser, d’arrêter nos pensées parasites qui tournent en boucle, et de chercher un sens à cette crise.
Un sens mondial, planétaire, mais aussi et surtout un sens personnel.
C’est difficile de se demander comment l’on peut tout seul, chez soi, transformer cette crise en quelque chose de positif.
Comment elle peut nous amener à dompter quelque chose en nous qui nous angoisse. Comment elle peut nous amener à devenir meilleur. Plus posé, plus mesuré, plus conscient de nos choix et de nos actes au quotidien, de nos engagements.
C’est pourtant ce que nous avons à faire de plus raisonnable : rester calme et réfléchi, garder la tête froide, et ne pas céder à la tentation de l’évacuation facile de nos colères, mais s’interroger sur les pressions qu’elle nous fait vivre et la façon dont nous pouvons y réagir plus sagement, plus justement et avec une plus grande bienveillance envers nous-même et envers les autres.
Chercher un responsable en réalité n’a jamais mené à rien de bon.
Rester juste, mesuré, et soutenir de près ou de loin les énergies solidaires et positives du pays en revanche, si.
Apprendre à apaiser nos colères et nos anxiétés
Cette crise est éprouvante parce qu’elle nous demande de modifier notre façon habituelle de gérer nos émotions.
Elle nous demande de ne plus céder à la facilité, mais de nous renforcer pour canaliser nos émotions, accepter de les laisser monter sans chercher à les fuir ni les évacuer, les accueillir simplement et les autoriser à être là.
Si vous ne savez pas comment aborder vos émotions, ni comment les canaliser, vous pouvez vous aider, entre autres, de méditations guidées pour retrouver en vous la voix de la sagesse, de la confiance et du calme.
Vous trouverez ici une méditation guidée que j’ai créée l’année dernière pour apaiser sa colère.
Il existe également de nombreuses autres méditations guidées sur internet, et il y a de multiples façons d’apprivoiser ses émotions autres que cette approche.
Et si cette crise était l’occasion d’apprendre à mieux gérer vos émotions et à nettoyer ce qui est toxique en vous et vous empoisonne ?
Ce qui est toxique c’est ce qui vous épuise, ce qui alimente ces ruminations et vous fait basculer du côté du pessimisme et de la colère, ou du côté de l’angoisse et des insomnies…
C’est ce qui vous fait penser que le problème (et la solution) vient de l’extérieur et que vous êtes impuissant et dépendant des autres.
C’est aussi ce qui vous pousse à déverser votre trop-plein à l’extérieur sans réaliser les effets néfastes à long terme de ce réflexe…
Vous n’êtes en réalité ni vulnérable, ni impuissant, ni totalement dépendant des actions des autres ou de la situation. Vous avez le pouvoir de modeler votre vie selon vos valeurs et selon les principes qui sont essentiels pour vous.
C’est ce que nous explique Louise Hay dans le magnifique best seller qu’elle a écrit qui s’intitule « La force est en vous ».
Et c’est aussi ce que veut nous transmettre Jim Rohn quand il dit :
« Ce n’est pas le vent qui décide de votre destination, c’est l’orientation que vous donnez à votre voile. Le vent est le même pour tous. »
L’orientation de votre voile ce sont ici vos pensées et ce que vous faites de vos émotions.
Courage, apprenez patiemment à dominer vos angoisses et la tentation de les évacuer à l’extérieur et vous serez fier de la personne que vous allez devenir, plus sage, plus juste, plus solide et beaucoup plus apaisé.
Je termine avec ces paroles de Confucius découvertes cet après-midi :
« Honneurs et richesses sont ce que l’homme désire le plus au monde, et pourtant mieux vaut y renoncer que s’écarter de la Voie [de la sagesse].
Les entretiens de Confucius, Livre IV, paragraphe 5.
Humilité et pauvreté sont ce que l’homme fuit le plus au monde, et pourtant mieux vaut les accepter que s’écarter de la Voie.
L’homme de bien qui se départ du ren [de son humanité, du bien qu’il peut faire aux autres] n’est plus digne de ce nom : l’homme de bien est celui qui ne s’en départ même pas le temps d’un repas, qu’il se trouve pressé ou ballotté par les événements. »